|
► ERMITES
DE LA TAÏGA En hommage à Agafia Lykov, la dernière des enfants de la famille Lykov,
"découverte" durant l'été1978, après quarante de solitude totale avec
ses parents et ses frères et sœurs, dans les monts du Khakase au sud de
la Sibérie. |
|
|
|
"Je leur ai parlé comme je vous parle. Mon
impression? Un mélange de préhistoire et de Russie d'avant Pierre le
Grand! Ils font le feu au silex... Ils s'éclairent avec des des mèches
de bois... Nu-pieds l'été, chaussés d'écorces de bouleau l'hiver. Pas
de sel, pas de pain. Ils n'ont rien perdu de leur langue, mais on a du mal
à comprendre les cadets... Ils sont aujourd'hui en contact avec le groupe
de recherche géologique et semblent heureux de leur rencontre avec les
hommes, si courtent soient-elles. Malgré tout, ils affichent toujours la
même méfiance et n'ont guère changé leur mode de vie et leur train
quotidien. S'ils vivent ainsi en ermites, c'est à cause d'une déchirure
religieuse qui remonte à l'époque d'avant Pierre le Grand. Au mot de
"Nikon" ils crachent et se signent des deux doigts. Ils parlent
de Pierre 1er comme de leur ennemi intime. Ils y a beau temps qu'ils
ignorent les événements du monde. L'électricité, la radio, les
satellites dépassent leur entendement." |
|
 |
|

"Arrive-t-il à cette
personne si peu commune de songer à la mort qui, mais le comprend-elle,
la guette à chaque instant? Oui, elle y songe, oui, elle le comprend.
Mais la mort pour Agafia, ce n'est pas la même chose que pour la plupart
d'entre nous. Ce n'est qu'une frontière vers un autre royaume. "Et
si tu rencontres un ours et qu'il te déchiquette, de quelle résurrection
peux-tu parler?" Mais cette éventualité n'alarme point Agafia.
"Ah! Vassili Mikhaïlovitch, tout se recoudra là-haut."
|
|
|
"Le fond de
l'histoire était que dans les montagnes du Khakase, sur le versant
nord, impénétrable, du Saïan occidental, des géologues avaient
découvert des hommes qui vivaient depuis plus de quarante ans totalement
coupés du monde..."
"De bonnes gens sont venus
chez nous le 4 (17) juillet de l'année 7490 après la naissance
d'Adam"
Le calendrier lykovien est celui de la Russie
d'avant Pierre Le Grand. |
|
|
|

"Je
suis entré dans leur masure. "

Agafia et son père, mort
en 1988, dans sa quatre-vingt-septième année |
|
 |
|
"J'ai connu Agafia
sauvage, barbouillée de suie. C'était une enfant adulte, pas bête du
tout, mais socialement déconnectée. Encore aujourd'hui ceux qui la
découvrent ont cette impression. Pour moi, toutefois, c'est déjà une
autre Agafia. Elle est plus retenue, plus réfléchie mais plus ironique
aussi, plus soignée, plus ordonnée dans son ménage. L'envie lui est
venue de décorer sa maison (...). Sa langue s'est enrichie. Elle utilise
une foule de mots nouveaux, souvent inattendus. Sa mémoire phénoménale
enregistre tout ce qu'elle voit. (...) Elle devine la force du
"siècle" en même temps que ses faiblesses, comprend
parfaitement la dépendance qui la rattache au monde humain tout en
érigeant fort sagement des limites à cette dépendance." |
|
|
|
"Seigneur Jésus Christ
fils de Dieu veille sur nous. Amen."
Agafia
et de sa famille sont des vieux-croyants. Leurs ouvrages pieux sont
rédigés en vieux-slave.
> A propos des vieux-croyants
auxquels appartiennent les Lykov, voir La vie de l'Archiprêtre Avvakum
écrite par lui-même, Gallimard, 1960 et, plus récent, Mikhaïl M.
Prichvine, Au pays des oiseaux sans peur,
Essais sur le pays de Vyg, L'Age d'homme, 2003 |
|
|
|
|
|
 |
 |
L'histoire
de la famille Lykov est rapportée par Vassili Peskov, Ermites de la
Taïga, Babel, 1995 |
|
 |
 |
|
|
|
|
|