
ABDI
"Abdi était de la caste des Midganes, sorte
d'intouchables auxquels sont dévolues, dans une tribu somalie, les fonctions de forgeron,
de chasseur ou de boucher. Le guerrier, dont le "tomal" (forgeron) forge les
armes, ou n'importe quel membre de la tribu, ne peut s'allier à un ou une midgane.
Abdi, âgé de quinze ou vingt ans, resta jusqu'à sa
mort (en 1940), à mon service."
Henry de Monfreid, Le feu de Saint-Elme,
1973
MOKA
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aussi
Moka
"On sent que cette grande ville n'était
pas l'oeuvre de ces Arabes; c'est une autre civilisation qui l'a édifiée,
aussi sont-ils indifférents au lamentable sort de ces palais écroulés.
Ils préfèrent leur hutte de nomades où le vent passe librement et anime
l'ombre des heures chaudes de mille voix mystérieuses.
Il faut avoir vu vivre dans
l'éternel printemps de leurs montagnes ces hommes sans souci de l'heure,
pour mesurer tous les ravages qu'une civilisation étrangère pourrait
porter au bel équilibre de leur vie simple."
"Moka est une
ancienne place forte, jadis entourée de hautes murailles en briques,
flanquées de nombreux bastions. Ce n'est aujourd'hui qu'un chaos de
décombres, où quelques plates-formes subsistent encore, montrant par les
brèches les vieux canons de fonte étendus au soleil, à même le sol comme
de gros lézards.
Aucune maison
n'a été réparée; seule, la grande bâtisse où demeure l'Amer Abdul Galil et
une autre occupée par un négociant italien sont intactes. Dans ce
labyrinthe de murs écroulés, les soldats campent comme ils le font dans la
brousse; quant aux habitants, ils occupent la partie de la ville opposée à
la mer, en bordure de la palmeraie. Là ils ont créé un village tout à fait
selon leur goût, avec des paillotes de branchages à toit de nattes et des
baraques en caisses à pétrole tendues de toiles de sac."
La palmeraie de
dattiers s'étend vers la plaine torride où les buissons de Rak font une
verdure tendre d'une illusoire fraîcheur.
"Je vais
m'asseoir dans une des mokaya du souk où les soldats désoeuvrés mettent
une animation bruyante. Cependant, aucune grossièreté ni dans les propos
ni dans l'attitude de tous ces hommes, qui sont restés ce qu'ils
sont; le pittoresque de leurs moeurs antiques fait oublier tout ce qu'il
peut y avoir de sauvage et de brutal dans leurs manières d'être.
Je me suis vêtu
un peu à la mode arabe, nu pieds, foutah autour des reins, et turban, mais
sans en arriver au travesti. C'est là la difficulté; on doit rester ce que
l'on est : un européen, tout en ne choquant pas par un accoutrement
inconnu. Si l'on cherche à singer scrupuleusement l'indigène, on se rend
fatalement ridicule; non pas que l'on puisse prêter à rire, car l'Arabe
ignore cette forme plaisante du ridicule, mais on perd tout son prestige."
Extraits de Henry
de Monfreid, Les derniers jours de l'Arabie heureuse, Gallimard,
1935 OBOCK
"Notre maison était composée d'un
rez-de-chaussée formant une galerie qui soutenait un étage. Celui-ci
était occupé par une vaste pièce qui servait de salle à manger et de
salon. L'ensemble s'ouvrait sur une grande terrasse dominant la mer où
nous prenions notre petit déjeuner et notre dîner ; ainsi nous avions le
privilège d'assister au lever et au coucher du soleil. Au bout de
l'étage, la chambre de mes parents était prolongée par un cabinet de
toilette et par l'emplacement de mon lit. Mais le rôle principal, dans
cette demeure, était tenu par l'escalier reliant les deux niveaux. Il
commandait toute la vie de la maison et devait sa popularité aux
craquements inévitables de ses marches : impossible de l'emprunter sans
alerter tout le monde...
A peine installée, ma mère s'organisa.
Elle savait décorer avec des riens et faire naître autour d'elle le
bien-être familial. Elle tendit les murs d'étoffes indiennes et couvrit le
plancher de tapis anciens rapportés par mon père des ports du Yémen. Des
meubles, parmi lesquels des fauteuils en osier, furent commandés à Djibouti
; par miracle on trouva aussi un piano, chez un colon qui devait regagner la
France."
Gisèle de Monfreid,
Mes
Secrets de la Mer Rouge, 1981 |