[ Mystique
et ésotérisme | Amour et
connaissance | Religion du salut
et ésotérisme | La question de
l'initiation chrétienne ]
Il nest
pas le fait dune mystérieuse « Eglise invisible » comme on le croit
parfois, il est le christianisme des origines, qui sest perpétué jusquà nos
jours, sous le double signe de Saint Pierre et de Saint Jean, donc de lEglise.
LEglise de Jean, dont on entend parler, pour
lopposer à lEglise de Pierre, nexiste pas. Par contre, il est très
vrai quil y eut, à Éphèse, une communauté johannique, « la communauté du
disciple bien-aimé », dont lenseignement est tout entier contenu dans le 4ème
Évangile. Même les théologiens le reconnaissent. Mais ceci est hors du présent propos,
même si on peut sinterroger sur ce qua pu être la vie spirituelle dune
communauté animée par le disciple que Jésus aimait
Larchéologie nous
renseigne au moins sur la symbolique « initiatique » du baptême (Basilique
saint Jean à Éphèse, aujourdhui Selçuk).
Ce qui est non moins vrai est que les Apôtres et
tous les papes, successeurs de Pierre, jusquà la fin du 5ème siècle
ont été aussi des saints. De ce point de vue, lésotérisme chrétien, ce sont les
Apôtres et les saints des premiers siècles.
Lenseignement de lEglise, cest
donc la sainteté, mais cest aussi ce qui senseigne dans le secret de
lEglise, à savoir lamour dun seul Seigneur, lintimité avec Lui,
qui se vit dans le secret du cur et qui est symbolisé par la blessure le
Coup de Lance du divin Cur sur la Croix.
On pense ici à cette réflexion de Jean
Daujat,
dans sa Vie surnaturelle (1939) : « Tout ce
quil y a de plus excellent dans lEglise, représenté par saint Jean, le
disciple bien aimé, est soumis au contrôle du magistère de lEglise représenté
par saint Pierre. Il faut se placer sous linfluence de saint Pierre pour vivre plus
profondément de la vie de lEglise, du corps mystique. Il faut se placer sous
linfluence de saint Jean pour pénétrer plus avant dans lintimité du
Sacré-cœur de Jésus »
Mystique et
Esotérisme Le christianisme ne peut guère emprunter une autre
voie que celle de lAmour spirituel. Mais il convient alors de la distinguer de la
voie commune du croyant qui ne dépasse pas les réalités sensibles et de celle des
« mystiques » qui sarrêtent à leur élan dévotionnel. Cest la
voie de lamour spirituel qui peut constituer lésotérisme chrétien. Amour et Connaissance
Les traditions ésotériques reconnaissent trois « voies »
qui sont celles de la connaissance, de lamour et de laction.
Le thème fondamental du christianisme étant lAmour, « les porte-parole chrétiens de la gnose
sexpriment, avec de rares exceptions, à travers le symbolisme de lAmour ». Il est difficile de souscrire dailleurs pour un chrétien
à la primauté de la Connaissance sur lAmour, tel que cest le cas dans
lHindouisme ainsi quen Islam.
On ne voit pas, en effet, ce qui
pourrait dépasser cet état où « lâme est toujours dirigée par
linspiration du Saint-Esprit », où « lâme a vraiment retrouvé
linnocence davant le péché » que lon désigne sous le nom
dunion transformante, et que sainte Thérèse dAvila décrivait
ainsi : « En ce temple de
Dieu, en cette demeure qui est sienne, Dieu seul et lâme jouissent lun de
lautre dans un très profond silence. »
Religion du « salut »
et ésotérisme
« Loin de
nêtre que la religion ou la tradition exotérique que lon connaît
actuellement sous ce nom, le Christianisme, à ses origines, avait, tant par ses rites que
par sa doctrine, un caractère essentiellement ésotérique, et par conséquent
initiatique ».
René Guénon
Il est donc inutile de se demander ce quest lésotérisme
chrétien puisquil est le christianisme même, à ceci près quil sagit
du christianisme des origines, en dautres termes du christianisme des premiers
siècles, qui sachève avant même le Concile de Nicée (325). On peut même dire
que lésotérisme, cest le christianisme, quand bien même lésotérisme
est présent dans toutes les traditions religieuses, « abrahamiques » ou non,
y compris les traditions pré-chrétiennes comme la tradition celte.
Ce qui caractérise ce christianisme des origines, ce sont des
sacrements qui sont autant de rites dinitiation, qui confèrent donc
linitiation chrétienne, en particulier le baptême et la confirmation, et ce sont
des rites initiatiques dont le plus connu est lEucharistie. Cest donc
lésotérisme chrétien ou le christianisme des origines qui devrait
« incarner » de nos jours cette Tradition primordiale.
La difficulté est celle-ci :
A partir du Concile de Nicée, le christianisme devient une religion,
une tradition exotérique, conservant toutefois, plus ou moins secrètement, la trace de
cet ésotérisme des origines, au moins jusquaux environs du 14ème
siècle, pour nêtre plus depuis lors quune tradition exotérique
séloignant toujours plus de son caractère ésotérique, de nos jours tout à fait
disparu. A dire vrai il nexiste plus rien de vivant du christianisme des origines et
donc de lésotérisme chrétien. Lésotérisme se maintient cependant dans
dautres traditions qui font référence à la Tradition primordiale, et cest
le cas tout particulièrement de lislam.
Dès lors, comment recevoir une initiation au sein du christianisme,
comment « appartenir » à lésotérisme chrétien ?
La question de
linitiation chrétienne
Du point de vue dun René Guénon, qui a lui-même exploré
toutes les possibilités dinitiation régulière en Occident, et qui a fini par se
convertir à lIslam, il ny a quune alternative : demeurer au sein
du christianisme, mais sans espoir dune véritable initiation, ou se convertir à
lislam, à lésotérisme islamique. (On citera pour mémoire lépisode
de « la grande Triade »).
Pour Frithjof Schuon, par contre, le caractère initiatique des
sacrements étant demeuré intact, cela signifie que par le baptême dune part et la
confirmation dautre part, chaque chrétien est « initié » et quil
lui suffit dun enseignement traditionnel pour tirer tout le bénéfice spirituel de
cette initiation. Ce fut, en son temps (1948), le motif de « laffaire des
Mystères christiques » qui confirmait que le christianisme est bien un
ésotérisme, mais infirmait dans le même temps la position de Guénon pour qui
linitiation est à chercher du côté dune tradition qui a conservé sa
dimension ésotérique, et la plus facile daccès, la plus rigoureuse aussi, pour ne
pas dire la plus « intellectuelle », à savoir lIslam.
Quoi quil faille penser de cette polémique, il suffira de
constater que les disciples de Schuon eurent le choix de demeurer dans la tradition
chrétienne (Jean Borella) ou se convertir à lIslam, tandis que ceux de Guénon, à
quelques exceptions notables, ont choisi et cela est encore vrai, après plusieurs
générations en masse lIslam : de Michel Valsân à Titus Burckhardt,
de Michel Chodkiewicz à Roger du Pasquier de Denis Gril à Claude Addad
Ceci pour les Guénoniens. Comment peut-on considérer autrement la
question ?
Le Maître, par excellence, cest le Christ de la même
manière que lésotérisme chrétien, cest lAmour. Le Christ est, en
effet, « la Voie, la Vérité, la Vie ».
Linitiation ne peut être conférée que par un maître lui-même
initié. Pas désotérisme, en effet, sans la transmission, à la fois dun
savoir et dun « manteau », comme disent les musulmans.
Mais le maître peut être visible ou invisible.
Rappelons à ce sujet une anecdote rapportée par lémir
Abd-el-Kader : « Un saint rencontra un jour un murîd affligé et
linterrogea sur les causes de sa tristesse : « Cest » dit le murîd,
« que mon maître est mort ». Et le saint de répliquer : « Mais
aussi quelle étrange idée de prendre pour maître un mortel ! »
Dans lésotérisme chrétien, les spirituels sont guidés par le
Christ en personne ou parfois par saint Jean, « le disciple que Jésus
aimait ». Cest particulièrement frappant pour tous ceux qui, comme sainte
Gertrude, ont reçu une révélation à propos de son divin Cur. Quoi quil en
soit, cest toujours lEsprit-Saint qui agit.
Parmi les "maîtres
invisibles", il y a donc le disciple que Jésus aimait (cf. sainte Gertrude),
lAnge (cf. Anne Catherine Emmerick), lEsprit (cf. sainte Hildegarde de
Bingen), lÉtranger (cf. Louis Massignon), voire le Christ lui-même (cf. Pascal ou
Swedenborg)
Les maîtres chrétiens ne manquent donc pas, contrairement à ce que
pensait René Guénon, même sil sagit toujours de maîtres invisibles, de
maîtres qui sont dune manière ou dune autre des « tenant lieu »
du Christ lui-même.
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