"Lorsque le camion entra dans Esquel, un feu
de broussailles brûlait sur le flanc d'une des petites collines brunâtres qui ceinturent
la ville. Je mangeai dans un restaurant dont la salle peinte en vert donnait sur la grand
rue. Un comptoir de zinc courait sur toute la longueur de la pièce. dans un coin à
l'intérieur d'une vitrine étaient exposés des steaks, des rognons, des morceaux
d'agneau et des saucisses. On me servit un vin acide dans un pot en forme de manchot. Sur
chaque table se trouvaient des chapeaux noirs et rigides. Les gauchos portaient des bottes
plissées comme des concertinas et des bombachas noires. (Les bombachas
sont des pantalons bouffants, provenant, à l'origine, des surplus des régiments de
zouaves après la guerre de Crimée."
En Patagonie (Chap.15)
"Une frange de falaises blanches"
"Une frange de falaises
blanches et plissées dansaient à l'horizon. Des terres croûteuses de couleur magenta
tachetaient la surface du sol. Je passai la nuit avec une équipe de cantonniers dont les
caravanes étaient rassemblées au centre d'un cercle de bulldozers jaunes. Les hommes
mangeaient des beignets huileux et m'invitèrent à partager leur repas. Un portrait de
Perón ricanait au-dessus de l'assemblée."
En Patagonie (Chap.38)
"Je décidai de franchir le détroit de
Magellan et d'aller en Terre de Feu. Sur la rive nord des premières passes, un phare
rayé d'orange et de blanc se dressait au-dessus d'une plage de galets cristallins,
tachetée de moules mauves et de l'écarlate de crabes brisés. Au bord de l'eau des
huîtriers-pies introduisaient leur bec dans des amas d'algues rubis à la recherche de
coquillages. A moins de trois kilomètres, la côte de la Tierra del Fuego barrait
l'horizon d'une bande cendrée.
Devant le restaurant de tôle, une colonne de camions attendait que
la marée remette à flot les deux chalands de débarquement qui assuraient la
traversée."
En Patagonie
(Chap.53)
"A partir
d'Ushaia, il me fallut faire près de
soixante kilomètres à pied le long du canal de Beagle pour atteindre l'estancia Bridges
à Harberton.
Pendant les premiers kilomètres, la forêt descendait jusqu'au
rivage et on apercevait à travers les branches l'eau vert sombre et les serpentins de
varech pourpres ballottés au gré des vagues. Plus loin, les collines laissaient la place
à des pâturages d'herbe rêche, parsemés de marguerites et de champignons.
Sur la ligne de marée s'accumulait du bois flotté blanchi par la
mer, et, de place en place, flottait une poutre de navire ou une vertèbre de baleine. les
rochers étaient recouverts d'une couche de guano d'un blanc farineux. Des cormorans s'y
perchaient, ainsi que des bernaches antarctiques qui prenaient leur envol dans des éclats
noirs et blancs. Au large passaient des grèbes et des canards vapeurs et, plus loin dans
le détroit, des albatros fuligineux tournoyaient sans effort en fendant l'air comme des
lames de couteaux.
La nuit tombait lorsque j'entrai en boitant dans le poste de la
Marine argentine d'Almenza."
En Patagonie (Chap.63)
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