> ARMEL GUERNE

"Novalis, ou le génie de l'intention. Parfaitement inusable"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour à Novalis - Armel Guerne et Novalis - Armel Guerne : Note du traducteur - A propos de Novalis

Novalis, mort comme un papillon, avait encore tout devant lui, tout à écrire, - et ce n'est sûrement pas lui qui eût pris pour une preuve ou le premier semblant d'une confirmation les soies du cocon encore chaud qu’il lui fallait quitter, comme une chrysalide. De tout son être, sans perdre une minute, sans perdre une occasion, il s'était préparé, ouvert de toutes parts, aménagé, disposé, assoupli. Était-il prêt ? Peut-être, mais il ignorait toujours si l'oeuvre viendrait habiter son ouvrage ou si l'astre viendrait éclairer, remplir, combler ce qu'il s'était tant appliqué à faire devenir un destin.

Rhapsodie des fins dernières, 1977

 

"La fréquentation de Novalis n'est pas une fréquentation artistique ou esthétique ; elle est une fréquentation intérieure, une amitié, et une amitié telle qu'à partir de là on est armé une fois pour toutes contre les secousses que peut vous apporter la vie. […] Moi-même, j'ai été mêlé à toutes les horreurs de l'Occupation, aux prisons, aux menaces de mort et c'est au fond Novalis qui m'a aidé à tenir le coup."

Interview d'A.G. pour Radio-Canada, 18 janvier 1976

"Rien de moins angélique qu'un ange, puisqu'il est tout de la couleur de sa mission. Novalis comme ange de l'immortalité. Il ne fut à aucun instant de lui-même un adolescent de génie, comme un jour nous viendra le flamboyant Rimbaud s'incendier dans ce mélange de fureur et d'allégresse. Rimbaud courait allumer feu à feu et suspendait de clocher à clocher des guirlandes de lumières. Novalis, grave, s'en éclairait, abolissant les âges en touchant aux extrémités du temps sur le bord d'une tombe, recueillant en une seule image, héritant de toutes les jeunesses de la sagesse immortelle : Novalis a été et ne cessa pas un instant d'être éternellement le génie éternel de l'adolescence. Le poète suprême. Non le plus grand. Le plus naturellement surnaturel de tous, le plus lucide ; non pas le plus éblouissant dans le visible de ses œuvres, mais le plus transparent, divinement, dans la substance de leur être ; donc le plus vrai : présent lui-même au plus près de la poésie, et non par le chemin des poèmes qui y mènent, mais avec les paroles qui descendent de là, toutes fraîches encore et se baignant dans les magies de la rosée de l'ineffable. C'est là, seul à seul avec elles, et pour la première fois peut-être depuis les temps lointains d'Orphée ou ceux de la Légende d'Or et peut-être des petites fleurs de saint François d'Assise au cœur de la Chrétienté, c'est là, et grâce à elles, que le regard soudain se dirige dans le sens vrai de toutes choses, qu'il obéit à un orient véritable et qu'il cherche, au-delà de la pénétration, l'accord. la poésie retrouve son ambition essentielle qui se tient grande ouverte, intéressant directement l'existence même de l'homme au sein de l'univers, et non plus son décor ; faite pour vivre et non pour être faite, comme la feront Mallarmé, Valéry, frileux qui s'emmitouflent de frivolités : ouverte et son langage ouvert jusque dans ses ténèbres à l'espérance, de nouveau, réinventant sa lumière et la communiquant, bien au-delà de ce qu'on pu vouloir les ambitions verbales ou désirer les ambitions humaines, déposant là pour nous, en nous, maintenant et à jamais, le germe même de sa promesse inépuisable, dont la passible fleur s'enracine et s'épanouit, pour sa métamorphose, au profond de la chair de notre pire désespoir. Et son parfum, s'il nous enchante de son miracle, c'est qu'enfin celui-là ne peut pas nous mentir, puisqu'il naît véritablement du fumier de notre puanteur."

"Novalis et la vocation d'éternité", 1966