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Susette
Gontard
"Que je voudrais te
rapporter fidèlement, mon aimé, comment j'ai vécu les
tristes jours de notre séparation, si seulement le
retour de ce temps ne m'était pas aussi douloureux et
pénible!" (mars 1799).
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HÖLDERLIN
Dans la
montagne j’imagine qu’il s’est réfugié par ce mois de
juin pluvieux chez sa tante. C’est un pays que je vois
semblable à celui que m’avait fait entrevoir un grand
voyage pendant mon enfance. Il est enfermé dans une
toute petite chambre boisée, allongé, il regarde les
lattes de sapin au-dessus de lui. Il a contre sa
poitrine une image qu’il porte à ses lèvres avec une
ferveur dont il n’a pas honte, car il aime, et là où
personne ne le connaît, son corps délivré de la ville,
de toutes ses entraves, recouvre sa nature. La pureté de
son rayonnement éclipse enfin les traces des regards que
les autres jettent sur lui. Alors il se révèle dans sa
beauté, celle d’un divin jeune homme, ce qu’il est au
fond de lui-même en dépit des autres et du temps. Dans
mon souvenir il règne une transparence qui est la
fraîcheur vibrante simplement de l’air à la montagne, et
là autour de lui elle est doublée de deux essences en
surcroît, celle de la pluie mariée aux verdures de juin,
celle de sa propre présence malade et épurée comme par
jeûne. Les fleurs rouges des géraniums et l’eau glaciale
du tronc évidé de la fontaine s’accordent à l’audace
qu’il a de prononcer ce que sa vie là-bas l’oblige à
taire jusqu’à l’avilissement.
18 mars 1921
Klauster Maulbronn
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