"Monte
Carmelo", dessin de Saint Jean de la Croix, 1578
L’Ascension du Mont
Carmel selon Saint Jean de la Croix permet de se
représenter visuellement ce chemin qui va vers
l’intérieur, dont on sait, selon ce qu’il en a dit
lui-même, que « l’expérience est rare », et
qu'elle est réservée à un petit nombre.
Il s’agit, en effet,
dans ce dessin d’une sorte de synthèse visuelle de la
Voie de la perfection, autrement dit du chemin qui
conduit de l’Occident à l’Orient métaphysique, qui est le pèlerinage
de l’âme jusqu’à son horizon oriental, puis, dans une
seconde étape, jusqu’à ce sommet du Mont Carmel qui ouvre
sur la « Terre promise de l’Union divine », jusqu’à cet
autre Orient, cet Orient céleste, limite ultime, au-delà
de laquelle « il n ’y a plus de chemin, car pour le
juste, il n’y a plus de loi », selon ses propres termes.
Ce dessin est par
conséquent une figuration de la voie ésotérique, avec
ses horizons successifs, son chemin abrupt, orienté vers
un premier seuil qui est le Mystère de la Porte et du
Chemin : le Christ, puis s’élevant encore de cet
Orient, devenu l’Occident de la Terre céleste, jusqu’à
l’Orient de cette Terre : « La Foi, c’est MINUIT et
Dieu, c’est LE JOUR A VENIR. »
L’ascension du Mont
Carmel présente bien deux Orients et deux Occidents. Le
premier qui est l’orient de notre monde terrestre et qui
trouve sa limite à la Porte étroite de la nuit du
sens et le second qui est l’Orient de la terre
céleste. Entre ces deux Orients, on trouve, à l’occident
de la Terre céleste le chemin ardu et abrupt de la
nuit de l’esprit et à l’orient la Terre promise – il
est exact de figurer la Terre céleste comme « la Terre
promise de l’union divine », mais elle ne s’atteint qu’à
l’Orient, après que l’âme a de nouveau cheminé « dans
une profonde et vaste solitude à laquelle aucune
créature ne peut avoir accès, immense désert sans
limites possibles, d’autant plus délectable, savoureux
et amoureux qu’il est plus profond, plus illimité, plus
vide… »
Alors, écrit Saint Jean
de la Croix, « l’abîme de Sagesse élève et dilate l’âme
en l’abreuvant aux sources mêmes de l’amour ».
Ce qui est atteint au
terme de la Nuit obscure de l’Ascension du Mont
Carmel, c’est donc bien « la Terre promise de l’union
divine », qui va de l’occident de la Terre céleste
jusqu’à son Orient – qui est un extrême Orient, si l’on
peut dire, vu depuis notre monde terrestre. |