La voie
L’ésotérisme est donc une voie, tandis que la notion d’ésotérisme
se rapporte essentiellement à un pèlerinage de l’âme vers son Orient.
Ce pèlerinage est un chemin abrupt, une ascension en direction
d’un Orient qui, naturellement, ne se trouve pas sur les cartes de
géographie, qui est plutôt un Pôle – ce pôle hyperboréen de notre
condition humaine, au-delà duquel se découvre une terre qui n’est plus
notre terre « terrestre », mais une Terre céleste. Autrement dit, notre
monde terrestre, que nous appelons « Occident », est limité par un horizon
occidental et un horizon oriental. C’est en direction de cet horizon, de
cet Orient, que, sous certaines conditions, certains d’entre nous sont
appelés un jour à se mettre en marche jusqu’à atteindre les limites du
monde terrestre. Le chemin qu’ils empruntent, c’est l’ésotérisme, la voie
ésotérique à proprement parler, ou du moins, il en est la première étape.
Cette étape ne s’effectue pas
sans un guide, un maître, visible ou invisible, vivant ou ayant quitté la
manifestation terrestre.
Au terme de cette première
étape, le pèlerin de l’Orient atteint donc la Source de la Vie, ainsi que
la limite de notre monde terrestre, l’horizon oriental de la terre
« terrestre ». Cette limite est une montagne, au sommet duquel un seuil
est franchi, seuil qui s’atteint généralement au moment de la mort, mais
que la voie ésotérique dépasse. Car la voie ésotérique ne s’arrête pas au
seuil oriental de notre monde terrestre, elle fait pénétrer le pèlerin de
l’esprit, l’initié, dans un « outre monde », qui est le Monde de l’Ame.
Ce monde n’est pas le
Paradis, il est une Terre céleste, et, comme notre monde terrestre, il
présente, lui aussi, un Occident et un Orient. La seconde étape de la voie
ésotérique consistera donc pour le pèlerin de l’esprit à passer de
l’horizon occidental de la Terre céleste à son Orient, autrement dit à
poursuivre l’ascension en direction de cet Orient majeur, depuis la
Source de la Vie jusqu’à « l’oratoire du Père », selon le mot de
Sohravardî, le Sinaï mystique de la tradition hébraïque.
Cette deuxième étape
s’effectue en présence d’un Maître intérieur, invisible, présent dans le
secret du secret (sirr al-sirr), dans « la chambre la plus secrète
de l’âme », pour reprendre une expression de Sainte Thérèse d’Avila. Ce
Maître est une figure du Soi, Soi abstrait, impersonnel, ou bien du Moi
céleste.
A l’Orient de la Terre
céleste, qui constitue le terme ultime de la voie ésotérique, qu’elle soit
voie de l’union ou voie de l’Unité, le pèlerin de l’esprit rejoindra
alors, lorsqu’il aura quitté la manifestation terrestre, non pas Dieu,
mais « l’immense océan de la divinité », le Principe Suprême, l’Absolu, ou
encore « le Saint, l’inconnu », selon les mots de Novalis.
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