La
réédition du Bestiaire du Christ de
Louis Charbonneau-Lassay est un événement. Cette
oeuvre monumentale, et certainement unique en son
genre, était recherchée depuis des années par les
connaisseurs de Louis Charbonneau-Lassay (et de René
Guénon) et l’édition originale de 1940, aux éditions
Desclée, De Brouvwer, avait atteint des sommes
considérables.
L’ouvrage lui-même, avec son milliers de pages et
surtout ses « mille cent cinquante-sept figures
gravées sur bois par l’auteur », autant que la
personnalité de Louis Charbonneau-Lassay expliquent
la quasi-dévotion qui entoure cette œuvre
exceptionnelle
Qui était Louis Charbonneau-Lassay?
Né
en 1876, il aura consacré toute sa vie à la
symbolique, spécialement autour de la figure du
Christ, à travers l’archéologie, la numismatique,
l’héraldique, etc., après avoir renoncé à
l’enseignement, pour des raisons de santé, et être
revenu à l’état de laïc – jusqu’en 1903, il
appartenait à la Congrégation des Frère de
Saint-Gabriel. Parallèlement, il développera une
activité de graveur et d'imprimeur qui aurait pu à
elle seule lui apporter une certaine notoriété. Mais
la vie pieuse de Louis Charbonneau-Lassay devait
demeurée dans une grande discrétion, jusqu’à sa mort
le 26 décembre 1946.
Deux ou trois traits singuliers, pourtant, attirent
l’attention. Le premier concerne l’amitié
intellectuelle qu’il noue avec René Guénon, dans les
années 20. Il n’est pas indifférent de trouver, dans
la préface au Bestiaire du Christ, mention de
ce dernier, à qui il emprunte sa définition du
symbole, dans une longue citation extraite de
L’Introduction à l’étude des doctrines hindoues :
« Le nom de « symbole », dans son acception la plus
générale, peut s’appliquer à toute expression
formelle d’une doctrine, expression verbale aussi
bien que figurée, etc. ». René Guénon à son tour
mentionnera à de nombreuses reprises les travaux de
son confrère. L’un et l’autre collaboreront
d’ailleurs à la revue Regnabit, partageant le
même intérêt pour le thème du Graal (et du
Coeur). Toutefois, Louis Charbonneau-Lassay ne
suivra pas René Guénon dans son affirmation de la
Tradition primordiale, qu’il assimilera même à « une
super-religion ».
Un
autre trait marquant sera la collaboration d’un
mystérieux « asiatique » du nom de Saï Taki Movi,
dont il recueillera des informations connues « en
certains cénacles très réservés de la Mongolie et
des régions voisines », selon ce qu’il en dit dans
le
Bestiaire du Christ.
Et surtout,
Louis Charbonneau-Lassay
recevra le dépôt d’une des dernières, sinon la
dernière, organisations ésotériques chrétiennes, L’Estoile
internelle, « qui n’a jamais compté plus de
douze membres ». René Guénon en avait reconnu le
« caractère orthodoxe et sain ». A la mort
de Louis Charbonneau-Lassay,
l’organisation, dont les origines remontaient au 15e
siècle, devait s’occulter ou disparaître tout à
fait. Il n’en reste pas moins qu’il
a emprunté aux
manuscrits originaux et à la « doctrine mystique »
de
L’Estoile
internelle
nombre d’éléments traditionnels pour son
Bestiaire du Christ, et c’est assurément une
raison supplémentaire pour s’intéresser à cet
ouvrage.
Un simple aperçu sur la table des gravures
– au nombre de 1157, rappelons-le – ou sur les 135
chapitres de la table des matières donnera la mesure
de son importance. Des animaux fabuleux aux
poissons, de la salamandre au loup et au dauphin,
« emblème du Christ Ami », de « quelques parties du
corps humain » aux « significations diverses de la
perle dans la symbolique chrétienne », etc., le
Bestiaire du Christ nous invite donc à un
prodigieux voyage au sein d’une symbolique
chrétienne qui se rapporte à la Science sacrée et à
la Tradition – Symbolique et Tradition très
négligées aujourd’hui, y compris au sein du
christianisme qui en demeure cependant l’héritier.
On se prend à espérer que la présente réédition
suscitera un mouvement d’intérêt nouveau pour ces
symboles traditionnels typiques de l’Occident
chrétien. |