Ludwig Tieck, 1834
"Cette nature vraiment
merveilleuse m'a ému intensément, bien que certains
aspects de son essence me soient restés obscurs. Dans
les paysages, il cherche en même temps à exprimer et à
indiquer avec une fine sensibilité cette atmosphère et
cette ardeur religieuse, qui depuis quelque temps
vivifient de nouveau notre monde allemand, et une
mélancolie solennelle. Cette tentative lui vaut beaucoup
d'amis et d'admirateurs, mais aussi, et c'est encore
plus compréhensible, beaucoup d'adversaires. Les
tableaux historiques et, dans une plus large mesure, les
tableaux d'église ont souvent été réduits au symbole ou
à l'allégorie; en revanche le paysage paraît plus apte à
encourager la méditation, à provoquer une sensation de
bien-être ou de joie par la représentation de la
réalité, source en elle-même de nostalgie et de rêverie
pleine de grâce. Friedrich cherche plutôt au contraire à
créer un sentiment précis, un aspect réel enveloppant
des pensées et des concepts définis qui se combinent
avec cette tristesse et cette solennité, et se
dissolvent en elles. Il tente donc d'introduire
l'allégorie et le symbolisme, dans l'ombre et la
lumière, dans la nature vivante ou morte, dans la neige
et l'eau, et aussi dans les figures vivantes. Grâce à
la clarté précise de ses idées et à la maîtrise de son
imagination, il essaie vraiment d'élever le paysage au
dessus de l'histoire et de la légende, ce paysage qui
nous a toujours paru si vague, comme un rêve ou un fait
fortuit. Ceci est une tentative nouvelle, et on reste
étonné de tout ce qu'il a souvent obtenu avec peu de
moyens."
Caspar David Friedrich,
Paysage près de Teplitz, 1828
C.G. Carus
« Cette introduction ne
veut souligner qu'une chose, qui est aussi maintenant la
plus évidente: je veux dire que, dans la peinture de
paysage, ce fut vraiment Friedrich qui, avec son esprit
profond et énergique et son originalité absolue,
s'engagea dans le fatras du quotidien, du prosaïque, du
rabâché; et tout en l'éludant avec son âpre mélancolie,
il en tira une orientation poétique neuve et lumineuse.
Nous n'entendons pas exalter sa conception de l'art du
paysage comme la seule vraie, et moins encore comme la
seule à suivre. Mais qui veut, et peut encore, se rendre
compte de l'état d'imitation vulgaire où cet art était
réduit, comprendra que l'apparition d'une direction
nouvelle, telle que celle découverte par Friedrich,
devait avoir un effet stimulant et même bouleversant sur
tout esprit réceptif. Les paroles: Voilà un homme
qui a découvert la tragédie du paysage,
prononcées par le sculpteur David d'Angers, autre
artiste singulièrement poétique, quand l'auteur de ces
lignes lui présenta les premières œuvres de Friedrich
et Friedrich lui-même, pourront toujours être
considérées comme caractéristiques à cet égard. »
David
d’Angers, 1834
« On
remarque, dans la physionomie de Frédéric, beaucoup de
cette expression méditative que l’on trouve toujours
chez les hommes qui s’occupent de grandes pensées. Il y
a sur son visage une expression de mélancolie, de
bienveillance et de timidité. On voit que l’énergie de
son caractère domine ses passions qui ont dû être très
fortes. Il est très impressionnable. »
« Il n’a
pas la prétention de vous donner le dernier mot de la
nature ; il vous prend par la main, et semble vous
dire : « Ouvrez les yeux et voyez les trésors qu’elle
renferme, si vous avez une âme faite pour la comprendre.
» C’est une espèce d’itinéraire vers la tragédie du
paysage ; car qui peut s’arrêter longtemps vers les
essais des hommes, lorsque l’on peut aller à la source
puiser soi-même les impressions qui se renouvellent
continuellement et d’une manière si variée ? L’artiste
ne peut donner qu’un instant, mais la nature déroule, à
chaque minute, de nouvelles peintures. »
« Frédéric ne va pas dans le monde ; on rirait de sa
noble naïveté : « Il n’est pas comme tout le monde »,
dirait la civilisation moderne qui, si elle le possédait
arrondirait tous les angles de ce gigantesque rocher qui
porte sa tête dans le ciel, et dont la base lutte contre
les vagues de la mer en courroux. »
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