Gustave Roud est né en 1897, près de
Vevey. Il est mort le 10 novembre 1976. Ses traductions des Hymnes à la
Nuit, et des Disciples à Saïs de Novalis ont paru chez Mermod,
à Lausanne, en 1948 (réédition, Fata Morgana, 2002). Il en existe une
édition de luxe, publiée par Paul Castella, en 1966.
Sur Gustave Roud, voir
Philippe Jacottet, Gustave Roud, Seghers, 2002
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Novalis
« Ce nom est pour moi un ancien nom de famille » indique dans lettre
Hardenberg lui-même, puis il ajoute : « et il ne me messied pas tout à
fait », suggérant par là qu'il a conscience de sa propre nouveauté, si
l'on peut dire, et qu'il espère devenir le défricheur de terres
spirituelles inconnues. Désir nu de toute infatuation et dont son
oeuvre, quoique inachevée, est l'évident exaucement. »
Préface à Les Disciples à saïs, Hymnes à la Nuit,
Journal, Mermod, 1948
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Novalis, Hymnes à la Nuit, 3
Un jour que je versais d’amères larmes, que s’évanouissait en douleur
mon espérance, que solitaire je me tenais près du tertre aride où
recluse dans la ténèbre de l’étroit caveau gisait cette forme qui est ma
vie – seul comme ne le fut encore nul solitaire, harcelé d’une indicible
angoisse – sans force, avec la seule pensée encore de ma détresse –
comme je cherchais secours autour de moi, ne pouvant plus avancer ni
reculer, suspendu avec un regret passionné à cette vie fuyante comme une
flamme qui défaille – alors, des lointains bleus, des cimes de mon
ancienne félicité se propagea le frisson du crépuscule – et d’un seul
coup se rompit le lien natal – la chaîne de la lumière. Enfuie, la
splendeur terrestre, et mon deuil avec elle – et dans le même temps, ma
mélancolie s’abîma dans un nouveau monde insondable. O ferveur de la
Nuit, tu descendis sur moi, sommeil céleste ! Le monde se soulève
doucement ; nouveau-né, délivré de ses chaînes, sur lui mon esprit
plane. Le tertre croule en nuage de poussière – je vois au travers,
transfigurés, les traits de la Bien-Aimée. Dans ses yeux dort l’éternité
– je saisis ses mains, et voici que les larmes deviennent une chaîne
étincelante, indestructible. Comme un orage, des milliers d’années
s’enfuient à l’horizon. A son cou suspendu je pleure devant la vie
nouvelle des larmes d’extase. Ce fut le premier rêve, le seul – et
depuis lors, d’une foi éternelle, immuable, je crois au ciel de la Nuit
et à sa lumière : la Bien-Aimée.
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Novalis,
Les disciples à saïs, Hymnes à la Nuit, Journal intime, Fata
Morgana, 2002
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