GUSTAVE ROUD

SOMMAIRE

Nostalgie de la mort (Hymne 6)

Le 1er Hymne

Novalis, Un absent au monde

 

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Retour à Novalis - Anthologie - Tous les auteurs - "Les Cahiers du Moulin", octobre 2004 - Documents littéraires : Thomas Bernhard - "Bettina et Novalis" par Georgette Camille - "Novalis? Le chantre de la lumière cachée", par Charles Le Brun - Corinne Bayle : Rouges Roses de l'oubli, par Corinne Bayle - voir aussi Corinne Bayle, Note, juin 2004

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Gustave Roud

Collection particulière

 

 

"Alors, les morts bien-aimés se rapprochent, passent, appellent. Nous appellent. Peut-on les entendre? Parlent-ils vraiment? La passerelle sera-t-elle jamais franchie?

 Nulle part Roud n'est plus proche de Novalis qu'en ces moments d'une attention presque surhumaine. Il ne s'agit pas d'un rapprochement littéraire, mais d'une grande parenté d'expérience, de sensibilité"

Philippe Jaccottet

 

 

Gustave Roud est né en 1897, près de Vevey. Il est mort le 10 novembre 1976. Ses traductions des Hymnes à la Nuit, et des Disciples à Saïs de Novalis ont paru chez Mermod, à Lausanne, en 1948 (réédition, Fata Morgana, 2002). Il en existe une édition de luxe, publiée par Paul Castella, en 1966.

Sur Gustave Roud, voir Philippe Jacottet, Gustave Roud, Seghers, 2002

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Novalis

« Ce nom est pour moi un ancien nom de famille » indique dans lettre Hardenberg lui-même, puis il ajoute : « et il ne me messied pas tout à fait », suggérant par là qu'il a conscience de sa propre nouveauté, si l'on peut dire, et qu'il espère devenir le défricheur de terres spirituelles inconnues. Désir nu de toute infatuation et dont son oeuvre, quoique inachevée, est l'évident exaucement. » 

Préface à Les Disciples à saïs, Hymnes à la Nuit, Journal, Mermod, 1948

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     Novalis, Hymnes à la Nuit, 3

            Un jour que je versais d’amères larmes, que s’évanouissait en douleur mon espérance, que solitaire je me tenais près du tertre aride où recluse dans la ténèbre de l’étroit caveau gisait cette forme qui est ma vie – seul comme ne le fut encore nul solitaire, harcelé d’une indicible angoisse – sans force, avec la seule pensée encore de ma détresse – comme je cherchais secours autour de moi, ne pouvant plus avancer ni reculer, suspendu avec un regret passionné à cette vie fuyante comme une flamme qui défaille – alors, des lointains bleus, des cimes de mon ancienne félicité se propagea le frisson du crépuscule – et d’un seul coup se rompit le lien natal – la chaîne de la lumière. Enfuie, la splendeur terrestre, et mon deuil avec elle – et dans le même temps, ma mélancolie s’abîma dans un nouveau monde insondable. O ferveur de la Nuit, tu descendis sur moi, sommeil céleste ! Le monde se soulève doucement ; nouveau-né, délivré de ses chaînes, sur lui mon esprit plane. Le tertre croule en nuage de poussière – je vois au travers, transfigurés, les traits de la Bien-Aimée. Dans ses yeux dort l’éternité – je saisis ses mains, et voici que les larmes deviennent une chaîne étincelante, indestructible. Comme un orage, des milliers d’années s’enfuient à l’horizon. A son cou suspendu je pleure devant la vie nouvelle des larmes d’extase. Ce fut le premier rêve, le seul – et depuis lors, d’une foi éternelle, immuable, je crois au ciel de la Nuit et à sa lumière : la Bien-Aimée.

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Novalis, Les disciples à saïs, Hymnes à la Nuit, Journal intime, Fata Morgana, 2002