Nostalgie de la mort
Descendons au sein de
la terre,
Venez, fuyons le
royaume du Jour !
Le rude assaut des
souffrances amères
Est ton signal, gai
départ sans retour !
D’un trait vers les
cieux et leur rive
S’élance notre barque
étroite et vive.
Louange à la Nuit
éternelle !
Louange à l’éternel
sommeil !
Nous sommes las du
Jour, de sa brûlure,
Et tout flétris de
notre long tourment.
Le charme a fui de la
terre étrangère :
Entrons dans la
demeure, auprès du Père.
Cœurs pleins d’amour
et de fidélité,
Quelle tâche ici nous
appelle ?
Ce monde rit des
choses du passé :
Que valent pour nous
les nouvelles ?
O solitude, ô sombre
désarroi
De qui porte amour au
temps d’autrefois !
Les temps passés où
comme un brasier d’or
Les sens brûlaient en
hautes flammes claires,
Où les hommes
reconnaissaient encor
Le visage et la main
du Père,
Où maint d’entre eux,
candide et noble cœur,
Gardait un reflet de
son créateur.
Les temps passés où
des antiques races
Brillait encor la
riche floraison,
Où des enfants dans
les tourments profonds
Cherchaient la mort,
promesse du Royaume ;
Où la vie et les sens
parlaient en vain
A maint cœur brisé par
l’amour divin.
Les temps passés où
l’on vit Dieu lui-même,
Manifesté dans sa
jeune splendeur,
Vouer à la précoce
mort, suprême
Élan d’amour, sa douce
vie en fleur,
N’ayant point repoussé
la coupe amère
Afin que cette mort
nous fût plus chère.
Nos yeux brûlés
d’angoisse et de regret
Pleurent ces temps
perdus dans la ténèbre.
Rien ici-bas
n’apaisera jamais
L’ardente soif en nous
comme une fièvre.
Pour vous revoir
encore, ô temps bénis,
Reprenons le chemin du
cher Pays.
Ah ! pourquoi retarder
notre retour ?
Depuis longtemps nos
bien-aimés reposent.
Leur tombe clôt la
course de nos jours,
La douleur vient, et
le souci morose.
Poursuivre notre quête
– que nous sert ?
Nos cœurs sont las, ce
monde est un désert.
Illimité, mystérieux,
Un doux frisson
traverse tout notre être.
J’ai cru surprendre au
plus profond des cieux
L’écho lointain de nos
tristesses :
Murmure, appel,
nostalgique soupir
Des bien-aimés là-bas
pleins de désir.
Descendons vers la
tendre Fiancée,
Vers notre Bien-Aimé,
Jésus –
Venez, l’ombre du soir
s’est éployée,
Douce aux amants par
le deuil abattus…
Un rêve rompt notre
chaîne dernière
Et son aile nous
plonge au sein du Père.
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