En mars 1965, sur le bateau qui le mène au Maroc,
depuis Port-Vendres, c’est la Présence de Marie qui se manifeste à
Frithjof Schuon - « le grand mystère qui descendit sur moi »,
dira-t-il - celle de « la Mère de tous les prophètes » :
« Puis vint – un rêve éveillé – la douce Vierge, / Elle
resta avec moi, profondément retirée en moi. / Sainte présence,
souvenir lumineux. / Une image venue du Ciel ; j’aime l’appeler
/ Stella Maris – mon étoile du matin ».
1965 est donc l’année qui va inscrire
l’expérience spirituelle de Schuon dans une dimension mariale qui sera
déterminante. Rappelons que la confrérie dont Schuon fut le maître
spirituel s’appellera, à partir de cette date,
tarîqah Maryammiyyah.
Certes, Marie apparaît
d’abord comme une « incarnation de la Féminité divine » ou encore en tant
que l’aspect féminin du Logos, avant d’être la Mère de Jésus selon l’Islam
ou la Theotokos du christianisme : « La Sainte Vierge,
écrit-il,
est inséparable du Verbe incarné, comme le Lotus est inséparable du
Bouddha, et comme le cœur est le siège prédestiné de la sagesse immanente.
(...) La Vierge, Rosa mystica, est comme la personnification du Lotus
céleste ; en un certain sens, elle personnifie le sens du sacré, lequel
est l’introduction indispensable à la réception du sacrement. »
Il n’en reste pas moins que
Schuon portait une réelle dévotion à Marie/Maryam. Ce n’est pas sans
raison d’ailleurs qu’il accordait une si grande importance à la Maison de
la Vierge, à Éphèse, où chrétiens et musulmans, depuis plus d’un siècle,
viennent prier la Mère de Dieu/Mère de Jésus.
Mais, fondamentalement, pour Schuon, « Marie personnifie l’Essence
informelle de tous les Messages, elle est par conséquent la « Mère de tous
les Prophètes » ; elle s’identifie ainsi à la Sagesse primordiale et
universelle, la Religio perennis. »
Ce qui explique aussi pourquoi certaines représentations de la Vierge
comme vierge noire : « La couleur sombre se réfère à la Non-Manifestation divine, dont la Vierge est
le support en sa qualité de Mère du Verbe ». C’est, en effet, que « l’âme
du contemplatif qui, par son acte spirituel et le support rituel de
celui-ci, réalise la naissance universelle du Verbe en son cœur doit être
« vierge et pure » (…) ; l’âme doit donc porter, comme l’image sacrée de
la Vierge, l’empreinte de la divine Non-Manifestation, c’est-à-dire
l’obscurité. » Autrement dit, « La couleur sombre de la Vierge noire (…)
signifie ainsi le silence ou l’absence de manifestations dans l’âme du
contemplatif ». « Hagia Sophia », 1996

A propos
d'Éphèse, cette « terre onirique » qui vit le séjour de la Mère de Dieu et
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