"Enfant, j"ai assisté au retour
triomphal de l'armée du Choa après un effroyable corps à corps à Sagale, à une centaine de kilomètres de notre légation
d'Addis-Abeba. Par milliers, ces soldats déferlèrent devant le pavillon
royal, accompagnés du grondement des tambours et du son des trompes de
guerre. Leurs chefs, nombreux, coiffés de crinières de lions et revêtus de
capes de velours étincelant, avec leurs boucliers et les fourreaux de
leurs longues épées courbes sertis d'or et d'argent, m'éblouirent. Les
cavaliers aussi, qui passèrent au galop, suivis d'une foule innombrable
qui brandissait lances et épées en hurlant les hauts faits de bravoure de
l'armée victorieuse.
Ce jour imprima en moi la haine de la morne uniformité qui recouvre
l'ensemble de notre univers ; il me donna le besoin absolu de vivre parmi
des races capables de conserver leurs traditions, leurs coutumes et leur
culture. En dehors de l'Espagne du Sud, avec son passé mauresque, l'Europe
ne m'a jamais attiré, pas plus que ses habitants, ses villes ou ses
paysages, et je n'ai certes aucune envie de visiter l'Amérique,
l'Australie ou la Nouvelle-Zélande."
Visions d'un nomade "A
propos de mon attitude vis-à-vis des plaisirs de la vie, tels qu'on les
conçoit en général, je peux dire que je n'y ai jamais attaché
beaucoup de prix. Ce que je mange m'importe peu, pourvu que je sois
nourri. Je n'ai aucun plaisir à, boire du vin ni des alcools. (...)
Quant aux cigarettes, je supporte déjà très mal d'être dans une
pièce enfumée. Le sexe n'a jamais beaucoup compté pour moi, et le
célibat de la vie du désert ne m'a guère gêné. Le mariage aurait certainement
été un sérieux handicap dans ma vie. J'ai donc pu mener l'existence
de mon choix sans avoir le sentiment de me priver de quoi que ce soit.
La vie dans le désert sous-entend une simplicité que j'ai toujours
trouvée profondément satisfaisante; tout ce qui n'est pas
indispensable devient vite une entrave dans un tel cadre. Ces trois mois
passés dans le Sahara en 1938 m'ont appris à apprécier les
commodités que la plupart des Européens ont la chance de pouvoir
considérer comme normales : l'eau potable, la viande, un bon feu dans
la nuit glacée, un abri contre la pluie, et surtout la possibilité de
céder au sommeil quand la fatigue vous envahit"
La vie que j'ai
choisie. 
©Roger Harrison
« Les possessions matérielles n'ajoutent rien à notre vie et nous
encombrent. De quoi avons-nous finalement besoin? De ce que l'on peut
emporter avec soi.»
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