« Le
désert en tant que tel est très émouvant. On ne peut rester insensible à la
beauté du désert. Le désert est beau parce qu’il est propre et ne ment pas.
Sa netteté est extraordinaire. On est jamais sale au désert. (…) Le désert
est presque impudique, le sol ne s’y montre recouvert d’aucun couvercle végétal.
Il montre son anatomie avec une impudeur prodigieuse (…) Le désert appartient
à ces paysages capables de faire naître en nous certaines interrogations »
"Au fond, j'aurai été l'un des derniers voyageurs sahariens
de la période chamelière. Une secrète mélancolie s'attache aux choses qui meurent,
quand on les a beaucoup aimées. Bien sûr, il faut savoir refermer les parenthèses,
accepter de se voir relayé, savoir, sur la pointe des pieds, discrètement, disparaître
dans la coulisse.
L'exploration méhariste, école de fortitude et
d'endurance, a donné, je crois, ce qu'elle pouvait donner. Elle s'est achevée sur
quelques performances hauturières que personne sans doute ne reproduira. Son rôle, sans
disparaître tout à fait, va perdre l'essentiel de son importance avec l'irruption au
désert de techniques nouvelles d'investigation et, surtout, de circulation.
Il faut savoir, bien sûr, à la fin du chapitre,
tourner la page et nous la tournerons. Nous n'en conserverons pas moins, nous les
Sahariens d'hier, quand notre désert sentira le pétrole, l'ardente et presque
douloureuse nostalgie de celui qu'embaumaient les chatons d'or des mimosas, de celui qui
arrachait à un Bédouin, perdu au cur de cette effroyable immensité sans puits,
mais devant l'aimable vert-bleu de quelques touffes de hâd sur un sable orangé, ces mots
: "trab mounek" ... "ah! le beau pays!"
Théodore Monod, Déserts,
AGEP, 1988, p.307
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